ISSN: 2332-0761
Draibe S* et Riesco M
Au cours du XXe siècle, plus de deux cents millions de Latino-Américains et d’Asiatiques du Sud-Est ont abandonné leurs traditions agraires et séculaires pour migrer vers un mode de vie urbain moderne. Dans le même temps, des millions de femmes au foyer ont rejoint le marché du travail. Ce processus turbulent, douloureux et souvent violent se poursuit encore aujourd’hui dans l’ensemble des régions. Il marque la naissance d’un siècle. Il a été mené par l’État, à travers deux stratégies de développement successives. Au départ, l’État a dû construire lui-même les infrastructures économiques, tandis que la politique sociale était principalement utilisée comme moyen de transformer la paysannerie arriérée en une main-d’œuvre urbaine relativement saine et instruite. La deuxième stratégie a profité de ces réalisations pour promouvoir des économies de marché dirigées par l’État, tandis que la politique sociale a principalement réorienté son action pour résoudre les problèmes des populations urbaines déjà importantes. Les deux régions sortent de ce processus comme des acteurs économiques importants du XXIe siècle, et dans le même temps, leurs indicateurs globaux mesurés par l’indice de développement social du PNUD se sont considérablement améliorés. Malgré ces régularités, de grandes différences apparaissent dans leurs résultats respectifs : l’Amérique latine a commencé sa transformation des décennies plus tôt, mais l’Asie de l’Est a changé beaucoup plus rapidement ; la première est la partie la plus inégalitaire du monde sur le plan social et dépend largement de la rente des ressources naturelles exploitées par une infime partie de la main-d’œuvre, reléguée en grande partie au commerce et aux services non productifs, qui reste en grande partie peu instruite et au chômage précaire ou sans emploi ; tandis que la seconde est parmi les plus égalitaires et fonde sa puissance économique sur la valeur ajoutée par sa main-d’œuvre hautement qualifiée, assez décemment et pleinement employée, principalement dans l’industrie. L’article tente d’expliquer ces différents résultats dans l’histoire de la transition dans les deux régions, analysés dans les espaces d’intersection des changements tectoniques dans leurs relations sociales, leurs points de départ et leurs trajectoires historiques et leurs arrangements institutionnels.